Un peu d'histoire
Auteur : Un membre de notre association : Georges Renier. Celui-ci précise qu'il a écrit au départ ce résumé pour un usage privé, Ce document condense souvenirs personnels et
écrits de différents blogs, livres, journaux etc. Il ne comporte pas de
références. Les propos recopiés ici n'engagent que son auteur.
Époque coloniale
Le Rwanda constitue un royaume fort ancien où éleveurs Tutsis et agriculteurs Hutus vivent ensemble depuis des siècles. Le Rwanda n'est donc pas une création artificielle issue de la colonisation mais un cadre socio-politique pré existant depuis longtemps dans un pays aux frontières naturelles délimitées. Au fil de l'Histoire, les Tutsis partis, semble-t-il, d'Ethiopie s'installent progressivement au Rwanda à partir du 15ème siècle. En arrivant, ils n'imposent pas à la population locale Hutu une culture homogène et codifiée. Au fil du temps, ils développent avec elle une unité culturelle et linguistique intégrée dans un système monarchique, chapeauté par un roi, le Mwami. Ils sont propriétaires de l'essentiel des terres et du bétail et dominent en fait la majorité des habitants.
En 1876, Stanley parvient aux portes du Rwanda, mais il rebrousse vite chemin devant la menace des lances et des flèches.
En 1884, la Conférence de Berlin confirme comme aire réservée à l'expansion allemande la partie de l'Afrique Centrale située entre l'océan Indien et la région des grands lacs. La même année, le comte allemand Gustav Adolf von Götzen entre au Rwanda. Les Arabes disaient qu'il était plus facile d'entrer dans cette région que d'en sortir. Von Götzen est le premier européen à voir le lac Kivu qui, à cette époque ne figure encore sur aucune carte géographique. Le Rwanda est ainsi le dernier pays découvert et colonisé en Afrique par les Européens. En 1895, la région devient un protectorat allemand. Les premiers missionnaires, les Pères Blancs, arrivent à la même époque et, le 8 février 1900, installent à Save, près de Butare, leur première mission.
Se basant sur des bases raciales et morphologiques, les colonisateurs allemands et les Pères Blancs croient percevoir une supériorité génétique chez les Tutsis. Ceux-ci auraient, selon l'anthropologie de l'époque, des traits physiques plus « nobles » : taille haute, couleur de peau plus pâle et nez effilé. Ils se distingueraient par leur intelligence et la finesse de leurs traits, contrairement aux Hutus considérés comme inférieurs. Par cette analyse, les colonisateurs allemands, vont cristalliser les différences ethniques.
Le 19 septembre 1916, au cours de la première guerre mondiale de 14/18, les troupes belges du général Charles Tombeur remportent à Tabora la victoire sur les troupes de l'Afrique Orientale Allemande. Après la guerre, le Traité de Versailles, signé le 28 juin 1919, retire à l'Allemagne toutes ses colonies et le 31 août 1923, la Société des Nations confie à la Belgique un mandat d'administration des territoires du Ruanda-Urundi. Les Belges assument la situation qu'ils trouvent à leur arrivée et, tout comme les Allemands et les missionnaires, s'appuient sur les Tutsis pour assumer l'autorité, sous la tutelle de leur administration. Ce choix est d'ailleurs encouragé par la Société des Nations qui considère la situation héritée de la colonisation allemande comme correspondant à un fait social multi-séculaire.
En fait, la société rwandaise peut effectivement être divisée en trois ethnies quantitativement très inégales :
- les Tutsis : généralement propriétaires de troupeaux, les plus riches et puissants ;
- les Hutus : agriculteurs, paysans, très largement majoritaires.
- les Twas : artisans et ouvriers, qui ne représentent que 1 % de la population.
À partir des années 1950, avec Mgr Perraudin, nouveau vicaire apostolique du Rwanda, la position des missionnaires catholiques évolue. Ils ouvrent progressivement leurs écoles à tous les enfants, comme ils l'avaient fait au Congo belge. D'une manière générale, les Églises, remettent en cause la politique pro-Tutsis qu'elles avaient cependant largement contribué à forger et se positionnant de plus en plus en défenseurs des Hutus.
C'est au séminaire de Kabgayi, le 25 mars 1957, que Grégoire Kayibanda (1924-1976) écrit et publie le « Manifeste des Bahutus », document d'une dizaine de pages qui dénonce l'exploitation dont sont victimes les Hutus. G. Kayibanda quitte le séminaire et devient enseignant. Son influence politique s'accroit constamment. Il va jouer un rôle majeur dans l'essor politique des Hutus. Le 9 septembre 1957, il est envoyé en Belgique par Monseigneur Perraudin, en stage de journalisme auprès du journal Vers l'avenir. Il regagne le Rwanda le 8 novembre 1958 et reprend ses activités au journal Kinyamateka. Le 26 septembre 1959, à l'issue d'une réunion des principaux leaders du Mouvement Social Hutu, il fonde leParmehutu (Parti du Mouvement de l'Émancipation des Hutus). Ce parti veut non seulement rassembler les Hutus au sein d'un même parti, mais aussi être le porte-voix des populations exploitées, c'est-à-dire de très nombreux Tutsis et de Twas pauvres, sans se limiter au groupe ethnique des Hutus.
Le 1er novembre 1959, à la suite d'un incident dans lequel le sous-chef Hutu Dominique Mbonyumutwa est molesté par un groupe de jeunes Tutsis, des émeutes se déclenchent. Des bandes de Hutus armés d'arcs et de lances se mobilisent et le soir même commencent à incendier systématiquement des habitations de Tutsis. La flambée de violence s'étend à tout le pays. Les royalistes Tutsis mettent sur pied une "politique de décapitation" afin d'éliminer les noyaux du Parmehutu. Les principaux leaders Hutus dont Grégoire Kayibanda sont protégés par des soldats armés mais plusieurs leaders Hutus sont assassinés. C'est lors de cette révolution que le gouvernement belge remet au Parlement une déclaration définissant les grandes lignes des réformes institutionnelles qui vont dans le sens du manifeste-programme du Parmehutu. Deux semaines après le début des troubles, l'essentiel des revendications de la révolution sont satisfaites et l'ordre rétabli.
Le 25 décembre 1959, les réformes institutionnelles annoncées par la déclaration gouvernementale du 10 novembre sont précisées par un décret qui annonce la fin de l'administration indirecte et du monopole Tutsi dans les sphères du pouvoir. Des élections communales sont décidées pour constituer les conseils communaux au sein desquels seront élus des bourgmestres proposés à la nomination du Mwami. Elles doivent avoir lieu dans les six mois. Un Conseil du Pays est mis en place dont les membres exercent un certain pouvoir législatif conjointement avec le Mwami en attendant les élections législatives en bonne et due forme. Ce décret permet aux partis politiques de se préparer aux élections communales.
Le 6 juin 1960, les leaders du Parmehutu se réunissent à Ruhengeri, sous la présidence de Grégoire Kayibanda. Ils rejettent définitivement l'institution monarchique. C'est sous cette étiquette du Parmehutu que Grégoire Kayibanda fait campagne pour les élections communales que son parti remporte largement. Organisées en l'absence du Roi elles sonnent le glas de l'institution monarchique.
Faisons ici une petite parenthèse, pour rappeler que le Congo Belge, voisin immédiat, devient indépendant quelques jours plus tard, le 30 juin 1960. Quant au Burundi, son histoire administrative entre 1920 et 1962 est très proche de celle du Rwanda. Pendant ces décennies de présence des colonisateurs belges, les deux territoires ne formaient qu'une seule entité, le Ruanda-Urundi. Le Burundi devint indépendant le 1er juillet 1962, à la même date que le Rwanda.
Après sa victoire, Grégoire Kayibanda est chargé, le 26 octobre 1960, de former un gouvernement provisoire en tant que Premier ministre. Le 28 janvier 1961, les leaders Hutus organisent à Gitarama une réunion de tous les élus communaux, se prononcent en faveur de la forme républicaine de l'État et élisent par bulletins secrets le premier président de la République rwandaise. Dominique Mbonyumutwa, candidat du Parmehutu est élu avec 83 % des voix, tandis que Grégoire Kayibanda est investi en tant que Premier ministre. Les élections législatives sont organisées le 25 septembre 1961 et sont également remportées par le Parmehutu avec 77,7 % des voix. La question de la royauté ayant été posée lors de ces élections, elle est définitivement tranchée, les républicains obtiennent 80 % des suffrages. Le mwami Kigeli V s'exile alors définitivement.
Après les consultations populaires du 25 septembre 1961, l'Assemblée législative se prononce pour un État républicain et un régime présidentiel fort. Le président est à la fois chef de l'État et du gouvernement. Il est élu par l'Assemblée législative, qui le choisit en son sein, par bulletins secrets, à la majorité des deux tiers. L'élection a lieu le 26 octobre 1961 et est remportée par Grégoire Kayibanda.
Le 1er juillet 1962, l'indépendance du Rwanda est proclamée. Les soldats belges quittent le pays un mois plus tard.
La première République Hutu
Fin de l'année 1963, une incursion de Tutsis exilés, faite à partir du Burundi échoue. Les représailles sont terribles. D'abord dans les camps de réfugiés du Bugesera, puis par un plan concerté de massacres appliqué par les autorités Hutu. Pour la seule préfecture de Gikongoro, il y aurait eu entre 8000 et 12000 hommes, femmes et enfants massacrés. Les survivants n'ont d'autre choix que d'aller rejoindre ceux qui s'étaient exilés en 1959.
Fin 1972 et début 1973, le pouvoir de Grégoire Kayibanda est menacé par des politiciens et des militaires issus du nord du pays. Kayibanda tente de créer autour de lui l'unanimité des Hutus en se servant des Tutsis comme boucs émissaires, et en profitant de la peur provoquée dans la population rwandaise par les massacres de Hutus qui ont eu lieu au Burundi voisin en 1972. Agitant le spectre du terrorisme Tutsi, les dirigeants lancent alors la chasse aux Tutsis dès la première semaine de février 1973. Des listes sont placardées, de cadres, d'enseignants, d'employés Tutsis à qui le "déguerpissement" est imposé. Ceux qui ne s'exécutent pas très rapidement sont exterminés. Aucun chiffre ne peut être donné, ni pour les morts, ni pour les nouveaux exilés en majorité étudiants du supérieur et cadres administratifs. Dans la nuit du 15 au 16 février 1973, l'Université du Rwanda perdra ainsi, la moitié de ses étudiants, privant le Rwanda d'une relève compétente pour les années à venir et gonflant par là-même la diaspora Tutsi, d'un encadrement politique et économique pour les années à venir.
Le 5 juillet 1973, un coup d'État dirigé par le général Juvénal Habyarimana, alors ministre de la Défense, renverse Grégoire Kayibanda.
La deuxième République Hutu
Après son coup d'État, le président Juvénal Habyarimana semble ne plus vouloir pratiquer la politique de discrimination ethnique de Grégoire Kayibanda qui empêchait les Tutsis d'accéder à des postes de responsabilité politique, mais il applique tout de même un système de quotas. Seules 10 % des places dans les écoles, les universités et les emplois sont accordées aux Tutsis et presque aucun n'accède à un poste de maire ou de préfet.
En 1975, Juvénal Habyarimana fonde son parti, le MRND, Mouvement Révolutionnaire National pour le Développement. En 1978, il change la Constitution et fait adopter un régime à parti unique.
Malgré sa dictature, Juvénal Habyarimana séduit les démocraties occidentales et fait passer son pays pour la « Suisse de l'Afrique ». L'aide internationale au développement arrive. Même les journalistes qui avaient développé les critiques les plus violentes contre lui, lui étaient plutôt favorables dans les années 1980.
Les travaux collectifs « umuganda », service civique imposé le samedi, sont utilisés pour stimuler des actions de développement. De nombreux projets de développement, facilités par des jumelages avec des collectivités locales européennes (Belgique, France, Allemagne, Suisse, etc.) soulignent ces bonnes relations entre l'Europe et le Rwanda.
Les Églises sont très actives aussi dans ces projets. Le pape se rend au Rwanda très catholique du 7 au 9 septembre 1990.
Cependant la question des réfugiés Tutsis à l'étranger persiste. Environ 600 000 Rwandais (Tutsis ou opposants Hutus) vivent en exil à la fin des années 1980. Des milliers de réfugiés avaient été refoulés d'Ouganda au Rwanda en 1982, puis à nouveau expulsés du Rwanda peu après. En 1986, le gouvernement rwandais annonce que le pays est trop peuplé pour pouvoir accueillir les réfugiés. Ceux-ci revendiquent leur retour, au besoin par la force, et fondent en 1987 le Front Patriotique Rwandais, le FPR.
Subissant une pression aussi bien intérieure de la part d'hommes politiques, d'intellectuels ou de journalistes, qu'extérieure de la part de pays bailleurs de fond exigeant des réformes, Juvénal Habyarimana abandonne le 5 juillet 1990 la présidence de son parti unique et annonce un prochain changement de la Constitution pour donner naissance à une démocratie en autorisant la création de partis politiques.
En septembre 1990, le Front Patriotique Rwandais (FPR) décide de lancer une attaque contre le Rwanda depuis l'Ouganda.
1er octobre 1990 : début de la guerre civile rwandaise
Le 1er octobre 1990, l'Armée patriotique rwandaise, branche armée du FPR bénéficiant d'un large appui de l'armée ougandaise, lance une attaque depuis l'Ouganda sur le nord du Rwanda,. Cette attaque marque le début de la guerre civile rwandaise. Le président Habyarimana appelle ses alliés à le soutenir. La France envoie des troupes le 4octobre1990. Des troupes belges arrivent le lendemain ainsi que des troupes zaïroises. Ces dernières sont les seules à être engagées au combat tandis que troupes belges et françaises sécurisent la capitale où se trouvent la grande majorité des expatriés.
La tentative d'invasion du FPR échoue, les Forces armées rwandaises réussissant à contenir l'offensive avec l'appui des forces françaises, belges et zaïroises. Une répression massive fait suite à son attaque. Environ 10 000 personnes sont arrêtées, Tutsis ou opposants au régime, voire commerçants ougandais ou zaïrois. Des massacres de Tutsis sont organisés par les autorités locales dans le nord-ouest du Rwanda selon les règles de la corvée collective, et apparaissent comme un système d'intimidation et de vengeance en réponse à l'attaque du FPR. Mais loin d'unifier les Hutus autour du régime, la répression conduit l'opposition à se renforcer, des organismes de défense des droits de l'homme se créent. Le 1er novembre 1990, les troupes belges se retirent. Le 9 novembre, est créé à Bruxelles un parti politique en exil, l'Union du peuple rwandais, qui dénonce les assassinats au Rwanda et la corruption du gouvernement. Le 11 novembre 1990, le Président Habyarimana annonce dans un discours à la radio l'instauration du pluripartisme et la tenue d'un référendum constitutionnel pour juin 1991, et annonce la suppression des mentions ethniques sur les cartes d'identité et les documents officiels.
En janvier 1991, le FPR effectue un raid sur Ruhengeri, s'empare de matériel militaire et libère de nombreux prisonniers politiques. En représailles, des massacres organisés par les bourgmestres ont lieu jusqu'en juin, occasionnant entre 300 et 1000 morts.
En février 1991, à l'instigation du HCR et de l'OUA, une conférence à Dar es Salam entre le Rwanda et l'Ouganda débouche sur une déclaration commune au terme de laquelle le Gouvernement rwandais s'engage à offrir à chaque réfugié le choix entre les trois propositions suivantes : le retour au Rwanda, l'intégration par naturalisation dans le pays d'accueil, l'établissement dans le pays d'accueil avec maintien de la nationalité rwandaise.
La démocratisation
La France conditionne la poursuite de son appui militaire à la démocratisation du pays. Conjugué à l'affaiblissement du parti présidentiel et à l'opposition croissante, ceci accélère le processus de réforme entamé en juillet 1990. Le 10 juin 1991, un amendement constitutionnel légalisant le multipartisme entre en vigueur. Le Mouvement démocratique républicain (MDR), principal parti d'opposition, est légitimé et une quinzaine d'autres partis sont fondés dans les mois qui suivent, les plus importants étant le Parti Social-démocrate, le Parti libéral et le Parti démocrate chrétien. Les principaux partis rejettent toute idéologie prêchant l'ethnisme, ou favorisant une région au détriment d'une autre. Ils souhaitent une négociation avec le FPR.
Les durs du régime créent en mars 1992 la Coalition pour la Défense de la République (CDR), hostile aux Tutsis et à toute négociation avec le FPR et en même temps une milice nommée « Impuzamugambi » (ceux qui poursuivent le même but). Les milices Interahamwe, sont aussi créées pendant cette période par le MRND, le parti du président, ainsi que les milices Inkuba pour le MDR, et Abakombozi pour le PSD. Ces milices sont initialement des mouvements de jeunesse animant les meetings politiques, mais elles sont utilisées également pour troubler les meetings des partis adversaires, et la violence prend de l'ampleur. Les attentats se multiplient, sans que leurs auteurs véritables soient vraiment poursuivis, le pouvoir se bornant à accuser des infiltrés du FPR. En 1992 et 1993, environ 200 personnes trouvent la mort dans les attaques menées par les Interahamwe et d'autres groupements. Les armes se répandent dans la population.
En mars 1992, à la suite de fausses informations diffusées par la seule radio nationale, Radio Rwanda, des massacres de Tutsis sont commis dans le Bugesera au sud-est du Rwanda. Une résidente italienne, Antonia Locatelli, qui dénonce l'organisation des massacres à Radio France International est également assassinée.
Le gouvernement de transition se met en place en avril 1992. Un changement d'orientation de Radio Rwanda est alors mis en œuvre. Le titre de Chef d'état-major de l'armée est rendu incompatible avec les fonctions présidentielles. La ministre de l'Éducation nationale, Agathe Uwilingiyimana, une enseignante du sud du Rwanda et membre du MDR, supprime les quotas qui réservait l'accès de l'enseignement secondaire aux Hutus, essentiellement issus de la région d'origine du Président, le remplace par un système au mérite et impose un contrôle policier de la bonne tenue des examens.
Le président Habyarimana perd progressivement une grande partie de ses pouvoirs et en même temps, il doit faire face au durcissement de ses partisans les plus extrémistes.
En avril 1992, le MDR, le PL et le PSD contraignent le Président Habyarimana à négocier avec le FPR, mais Habyarimana lance une offensive pour être en position de force. Cette offensive est un échec et les Forces armées rwandaises doivent se replier, entraînant avec elles 350 000 civils. En juillet et août 1992, un accord de cessez-le-feu est signé à Arusha. C'est le premier pas vers les futurs Accords d'Arusha. Un premier protocole est signé le 18 août stipulant que les deux parties acceptent les principes fondamentaux de la démocratie, dont l'égalité devant la loi, le multipartisme, le gouvernement électif, la garantie des droits fondamentaux de la personne, la fin de l'ethnisme. Le droit au retour des réfugiés est reconnu. En octobre 1992 est signé un deuxième accord prévoyant la constitution d'un gouvernement à base élargie, la répartition des portefeuilles ministériels étant définies par l'accord du 9 janvier 1993. Cependant une opposition à ces accords, de plus en plus violente et organisée se manifeste parmi les idéologues Hutus, les fonctionnaires et les militaires au service du régime et les dignitaires de celui-ci.
Les accords d'Arusha et la nouvelle offensive du FPR
La signature en janvier 1993 d'un protocole dans le cadre des accords d'Arusha prévoit la formation d'un gouvernement à base élargie, mais la répartition des portefeuilles est définie à priori et non à partir d'élections. Le FPR se voit accorder cinq postes ministériels, tous pris sur le quota du MRND, le parti présidentiel. Cette disposition suscite la colère des partisans du MRDN qui manifestent violemment pendant tout le mois de janvier. Ces manifestations se transforment rapidement en émeutes et les manifestants se mettent à tuer les Tutsis et des membres des partis d'opposition. Il y a environ 400 morts et 20 000 personnes déplacées. Ces massacres servent de prétexte au FPR pour suspendre les négociations, rompre le cessez-le-feu le 8 février 1993 et lancer une offensive qui fait de très nombreuses victimes et provoque le déplacement d'un très grand nombre de personnes.
Les accords d'Arusha sont signés en août 1993, mais les deux forces principales sont le FPR et le front du refus conduit par le MRND. Les autres partis sont affaiblis par leur division.
L'armée française se retire fin 1993, conformément aux négociations d'Arusha, pour laisser l'ONU déployer au Rwanda une mission de paix, la MINUAR.
La mise en œuvre de ces accords est retardée par le président Habyarimana, dont les alliés extrémistes de la CDR n'acceptent pas les termes. La mise en place du gouvernement à base élargie, dont Faustin Twagiramungu est le premier ministre désigné, est repoussé de mois en mois.
Le génocide
La situation politique et militaire à la veille du génocide.
En 1994, et ce depuis quelques années, une campagne médiatique stigmatisait les Tutsis, en particulier au travers d'une radio, la RTLM, ou Radio Télévision Libre des Mille Collines, créée le 8 juillet 1993 puis surnommée « radio machette ». Elle ne cessa d'émettre que le 31 juillet 1994 à la fin du génocide. Selon plusieurs historiens, il existait depuis plusieurs années, un projet génocidaire. Mais ceci ne fut jamais formellement prouvé.
Au début de l'année 1994, l'installation du Gouvernement Transitoire à Base Elargie (GTBE), prévue par les accords d'Arusha, est reportée semaine après semaine, malgré plusieurs tentatives d'intronisation. Ce report augmente la méfiance de chaque partie et recule la démobilisation des forces armées. Des machettes sont importées par l'entourage du président Habyarimana, tandis que le FPR renforce son armement et la tension monte à partir de fin janvier 1994. Les attentats à la grenade et les assassinats se multiplient. De nombreuses caches d'armes sont mises en place. Fin mars 1994, alors qu'une dernière tentative d'installation du GTBE échoue, la MINUAR observe que le FPR viole à plusieurs reprises les accords de cessez-le-feu au nord du pays, et que les Forces Armées Rwandaises, les FAR, recrutent des jeunes gens parmi les réfugiés Hutus ayant fui le Burundi.
Le déroulement du génocide - Chronologie.
Le 6avril1994, le président du Rwanda Juvénal Habyarimana est assassiné. Vers 20 h.30, alors qu'il revenait de Tanzanie et s'apprêtait à atterrir à Kigali, son avion est abattu par un tir de missile et s'écrase. Il n'y a aucun survivant. L'avion transportait aussi le président burundais Cyprien Ntaryamira. Aucune enquête internationale n'a permis d'identifier avec certitude les auteurs de cet attentat. Les deux principales hypothèses soupçonnent l'une le Hutu Power et l'autre le FPR, avec d'éventuels soutiens internationaux (France ?). Pendant la nuit du 6 avril, l'attentat fut l'élément déclencheur du génocide réalisé par le Hutu Power. Sur les ondes de la Radio des Mille Collines, le signal du début du génocide fut, dit-on, la phrase entendue depuis quelques jours : « Abattez les grands arbres ».
Les massacres des opposants Hutus dans les premières heures, puis de milliers de Tutsis commencent aussitôt et simultanément dans une grande partie du Rwanda, à l'exception notoire des régions de Gitarama et de Butare dans le sud.
Dans la nuit, les troupes du Front Patriotique Rwandais (FPR) franchissent la frontière ougandaise et font mouvement vers Kigali.
7 avril 1994, plusieurs dirigeants de partis d'opposition et plusieurs responsables gouvernementaux, dont la Première ministre Agathe Uwilingiyimana (une Hutu modérée) sont assassinés par la garde présidentielle. Il en est de même de dix para-commandos belges du 2e bataillon commando intégré dans les Casques bleus de la force d'interposition de l'ONU, qui avaient pour mission de protéger Mme Uwilingiyimana. Cet assassinat des Casques bleus belges entraîne la décision du gouvernement belge de retirer sa participation à l'opération, décision entérinée par l'ONU.
La vacance du pouvoir ainsi créée permet au colonel Bagosora, qui se révèle rapidement être l'homme fort du régime après la disparition du président Juvénal Habyarimana, de créer un gouvernement intérimaire sous sa houlette.
8 avril 1994 : la France et la Belgique évacuent leur ressortissants. Dans les jours qui suivent, des centres où se réfugient les Tutsis (écoles, églises...) sont attaqués et leurs occupants massacrés par des Hutus extrémistes, appuyés dans certains endroits par des éléments de la garde présidentielle.
14 avril 1994 : le gouvernement belge annonce qu'il retire son contingent de casques bleus de la MINUAR.
21 avril 1994 : après avoir constaté les difficultés à mettre en place un cessez-le-feu entre le FPR et les FAR et l'échec probable du processus d'Arusha, le Conseil de sécurité des Nations unies (où siège le Rwanda depuis le 1er janvier 1994), après avoir hésité une semaine entre diverses options (renforcement de la MINUAR, ou bien maintien sous condition, ou bien maintien d'une force réduite, ou bien retrait total), prend la décision de réduire la MINUAR à un strict minimum. Cette force de maintien de la paix passe de 2 500 à 250 hommes et a pour but de servir d'intermédiaire entre les deux parties. Ses possibilités de secours humanitaire ou de protection des populations sont extrêmement réduites.
30 avril 1994 : le Conseil de sécurité de l'ONU exige un cessez-le-feu entre les FAR et le FPR, mais se limite à des actions diplomatiques et humanitaires. Dans une déclaration de son président, le Conseil de sécurité désigne à demi-mot le responsable principal des tueries (« Des attaques contre des civils sans défense ont été lancées dans tout le pays, et en particulier dans des zones contrôlées par des membres ou des partisans des forces armées du Gouvernement intérimaire du Rwanda »). Il se refuse cependant à prononcer le mot de génocide, même s'il rappelle que « l'élimination des membres d'un groupe ethnique avec l'intention de détruire ce groupe totalement ou partiellement constitue un crime qui tombe sous le coup du droit international », ce qui est quasiment mot à mot les termes de la Convention sur le génocide. A cette date, le nombre de victimes civiles est estimé à 200 000. Le terme explicite de génocide est quant à lui déjà utilisé depuis plusieurs jours par plusieurs intervenants.
31 mai 1994 : un rapport du secrétaire général des Nations-Unies au Conseil de sécurité évalue le nombre de victimes entre 250 000 et 500 000. Ce rapport souligne également que « les massacres et les tueries avaient été systématiques et qu'il ne faisait guère de doute que les événements en question constituent un génocide ». Après avoir rapidement ramené la présence sur le terrain de la MINUAR à son niveau minimum, puisque le mandat initial de celle-ci ne lui permettait pas d'intervenir lorsque les massacres ont commencé, la communauté internationale, près de deux mois plus tard, semble paralysée, même s'agissant du mandat révisé établi par le Conseil de sécurité. « Nous devons tous reconnaître, à cet égard, que nous n'avons pas su agir pour que cesse l'agonie du Rwanda et que, sans mot dire, nous avons ainsi accepté que des êtres humains continuent de mourir » dira plus tard un rapport du Conseil de Sécurité.
8 juin 1994 : le Conseil de Sécurité dénonce les actes de génocide commis au Rwanda. Il étend le mandat de la MINUAR aussi bien dans la durée (prolongation jusqu'en décembre 1994), que dans les moyens d'action (défense des sites de réfugiés). Il appelle les États membres de l'ONU à apporter des ressources pour permettre le renforcement de la MINUAR. Devant l'avancée du FPR et par crainte de représailles, 1 500 000 Hutus fuient vers l'ouest du pays.
22 juin 1994 : avec l'autorisation de l'ONU, la France lance l'opération Turquoise : des soldats français arrivent dans le sud-ouest du Rwanda pour établir une zone humanitaire sécuritaire pour les réfugiés. Pourtant, les massacres des Tutsis continuent, même dans la « zone de sécurité » contrôlée par la France.
17 juillet 1994 : date couramment retenue comme fin du génocide. Le FPR contrôle l'essentiel du pays. À cette date, 800 000 Tutsis ou Hutus modérés ont été massacrés. Un million de Rwandais, fuyant le FPR, ont franchi la frontière d'avec le Zaïre. Les forces armées rwandaises (FAR), les dirigeants et exécutants Hutus fuient également au Zaïre dont la frontière est contrôlée par les militaires français de l'opération Turquoise qui les laissent passer avec leur armement. Le drame va maintenant toucher cette population, qui a parfois été contrainte de participer activement au génocide. Désormais elle est prise en étau entre le FPR et les milices responsables du génocide, qui assurent en fait la direction des camps de réfugiés.
Le 18 juillet 1994, le FPR déclare un cessez-le-feu unilatéral. Le 19, il met en place un gouvernement d'union nationale sur la base des accords d'Arusha, mais excluant les partis qui soutenaient les forces génocidaires. Pasteur Bizimungu devient président de la République et Paul Kagame, souvent appelé l'« homme fort du Rwanda » et qui commande l'armée du FPR devient vice-président. Ce binôme est perçu comme symbole de la réconciliation entre Hutus et Tutsis.
Faustin Twagiramungu, qui a survécu au génocide, est nommé Premier ministre, comme le prévoyait les accords d'Arusha.
Cent jours d'extermination !
Les exécutions se sont donc déroulées pendant trois mois. Dans un pays administrativement bien structuré malgré la reprise du conflit avec le FPR, les ordres issus du gouvernement sont relayés par les préfets, qui les transmettent à leur tour aux bourgmestres, lesquels organisent des réunions dans chaque village pour informer la population des consignes données, avec l'appui de gendarmes ou de soldats, ainsi que du clergé. Les ordres sont également transmis par la Radio Télévision Libre des Mille Collines qui encourage et guide jour après jour, heure par heure le génocide, dénonçant les Tutsis encore vivants à tel ou tel endroit. L'enrôlement de la population pour participer aux tueries est favorisé par la coutume de l'umuganda, journée de travail collectif où la population est rassemblée, selon une méthode déjà employée dans les massacres de Mutara en 1990 ou du Bugesera en 1992. Mais le « travail » consiste désormais à massacrer à travers tout le pays les Tutsis, ainsi que certains Hutus modérés réputés hostiles à ce projet et considérés comme des « traîtres ». Ce « travail » est dirigé par les milices interahamwe (issue du MRND, le parti présidentiel) et Impuzamugambi (issue de la CDR, Coalition pour la défense de la République, organisation extrémiste composée de durs du régime Habyarimana), parfois assistées par les FAR, le reste de la population suivant de gré ou de force. La population utilise essentiellement des machettes, des houes et des gourdins cloutés, les « outils ».
Des barrages sont installés sur toutes les routes du Rwanda pour arrêter les fuyards qui sont massacrés sur place. Généralement les autorités locales, parfois sous la pression de hiérarchies parallèles organisées par les préfets, prétextent la mise en sécurité des Tutsis pour les regrouper dans des lieux publics comme les stades, les bâtiments communaux, les écoles et les églises. Ensuite des groupes de miliciens achèvent les personnes, parfois précédés par les FAR qui commencent « le travail » avec des armements adaptés, des grenades notamment. Enfin les maisons de Tutsis sont systématiquement visitées par les miliciens pour sortir ceux qui s'y cachent et les massacrer.
Les tueries atteindront des sommets dans l'horreur. L'ampleur du massacre (en trois mois, 1 million de personnes sont tuées selon les autorités rwandaises, 800 000 selon l'ONU et l'OUA), sa cruauté (des femmes enceintes sont éventrées pour tuer les fœtus, la violence sexuelle est fréquemment employée, des tueries ont lieu au sein de familles mixtes, le sadisme se manifeste dans de nombreux cas) et le nombre d'exécutants en font un des évènements les plus atroces du XXème siècle. À l'inverse, des Tutsis eurent la vie sauve du fait que des Hutus avaient pris le risque de les cacher ou de leur donner de la nourriture.
Le 12 avril 1994, le chef d'état-major des Forces armées rwandaises, Leonidas Rusitara, nommé le 7 avril à la suite de la mort de son prédécesseur dans l'attentat du 6 avril, publie avec une dizaine d'officiers des FAR un communiqué dénonçant les tueries, et proposant un cessez-le-feu avec le FPR ainsi que la reprise du processus d'Arusha. Il est limogé sur le champ par le gouvernement intérimaire et remplacé par Augustin Bizimungu. Cette tentative de retour au calme est restée vaine.
À Butare, le seul préfet Tutsi du Rwanda essaye de lutter contre le développement du génocide dans sa région. Il est destitué le 17 avril 1994 et le génocide démarre vraiment après sa destitution. Le 19 avril 1994 le président du Gouvernement intérimaire, Théodore Sindikubwabo, vient sur place soutenir les autorités locales et la population par un appel « au travail » !
Dans la région de Kibuye, dans le massif montagneux de Bisesero, des Tutsis se sont regroupés et ont en vain tenté de résister aux autorités locales et aux miliciens. Ils seront quasiment tous massacrés. Un mémorial, où 65.000 Tutsis seraient enterrés, a été érigé sur la colline.
Le 30 avril 1994, le bureau politique du Front Patriotique Rwandais publie un communiqué selon lequel le génocide serait presque terminé. Il « appelle le Conseil de sécurité des Nations unies à ne pas autoriser le déploiement de la force proposée, parce que l'intervention des Nations unies à ce stade ne peut plus servir un quelconque but en ce qui concerne l'arrêt des massacres ». Certains estiment que 80 % des massacres sont déjà accomplis à la mi-mai. Le médecin allemand Wolgang Blam qui se trouvait à Kibuye dans une région où les Tutsis étaient très nombreux témoigne dans un document qu'au 16 mai 1994, l'essentiel des massacres était réalisé même si, en fait, ils ne cesseront complètement que dans le courant de juillet,
La plupart des rescapés trouveront refuge dans les régions du Nord-Est du Rwanda, là où le FPR avance rapidement au début du génocide. Quelques uns réussiront à se cacher dans des marais ou des zones forestières. Les autres rescapés seront sauvés par des Hutus qui prendront le risque de les cacher, jusqu'à ce que le FPR arrive. La zone protégée par l'opération Turquoise, à l'ouest du Rwanda sera la dernière zone occupée par le FPR et celle où les massacres continueront le plus longtemps, les Français ayant comme la MINUAR l'ordre de « rester neutre entre les factions rwandaises ». Les Français sauvèrent toutefois 8 000 personnes au stade de Nyarushishi au sud-ouest du Rwanda et 800 autres à Bisesero, ainsi que des groupes isolés au gré des circonstances.
Le génocide constitue en outre un désastre économique avec les destructions de biens (notamment les troupeaux) et les pillages. Dans la volonté d'anéantir jusqu'au souvenir des Tutsis on détruisit aussi très souvent leurs maisons et leurs jardins, sans chercher à les utiliser autrement qu'en récupérant leurs matériaux.
Les miliciens Hutus et les FAR battent en retraite au Zaïre (actuelle République démocratique du Congo). On estime généralement que plus d'un million de villageois Hutus fuirent également, souvent vers le Kivu, redoutant les représailles et exactions du FPR.
Le 19 juillet 1994, un gouvernement fondé sur les derniers accords d'Arusha, mais dominé par le FPR, prend les rênes du Rwanda. Le président de la République et le Premier ministre sont des Hutus dits modérés. Celui qui a conduit le FPR à la victoire, le général-major Paul Kagame, vice-président et ministre de la Défense, devient l'homme fort du Rwanda.
Il faut aussi constater qu'au fur et à mesure de son entrée au Rwanda, le FPR, tout en protégeant les Tutsis rescapés, se livre également à des exactions, des exécutions sommaires sans jugement et des massacres de représailles. En avril, à Kigali, plusieurs dizaines de responsables politiques ou militaires sont tués par le FPR, parfois avec les membres de leur famille. Plusieurs centaines de personnes furent également massacrées dans le stade de Byumba. Les crimes commis par les soldats du FPR sont trop répétés pour que les responsables de ce mouvement puissent l'ignorer. D'une manière générale, ils ne firent rien pour les empêcher. Après la mise en place du nouveau gouvernement, 32 militaires du FPR ont été jugés par des tribunaux militaires rwandais, dont 14 ont été condamnés pour meurtre à des peines de deux à six ans de prison. Selon un rapport de Robert Gersony, consultant pour le HCR, entre 25 000 et 45 000 personnes auraient été massacrées par le FPR entre avril et août 1994.
Après le génocide
Une période de « transition politique » : 1994-2003
Les forces génocidaires, les anciennes FAR et milices interahamwe se sont donc repliées au Zaïre et se livrent à des infiltrations violentes dans le nord-ouest du Rwanda. En 1996, le Rwanda s'allie avec l'Ouganda et sous un prétexte sécuritaire, tente de contrôler l'Est du Zaïre où, et ce n'est pas qu'anecdotique, vivent des Banyamulenge, congolais rwandophones.
Au début de l'année 2000, un désaccord politique entre Pasteur Bizimungu et Paul Kagame se manifeste. Plusieurs éléments semblent avoir contribué à ce désaccord. On évoque la politique concernant les camps de réfugiés et les poches de résistance des forces génocidaires au sein du Rwanda entre 1995 et 1996. Le 23 mars 2000, Pasteur Bizimungu démissionne, officiellement « pour raisons personnelles ». Le vice-président Paul Kagame lui succède comme président de la république du Rwanda par intérim.
En 2002, l'armée rwandaise quitte officiellement les territoires qu'elles contrôlait en fait, dans l'Est de la République Démocratique du Congo. Mais, dès le début de 2003, ces troupes envahissent de nouveau la région. Le 1er juin 2004, les troupes rwandaises et leur alliés rwandophones occupent la ville de Bukavu, Les pressions de l'ONU va contraindre ces troupes à se retirer le 8 juin 2004. Le mouvement RDC-Goma, soutenu par Kigali, reste pourtant armé et sur place.
Malgré les immenses difficultés pour reconstruire le pays qui ont marqué la période de transition, la pression de la communauté internationale aidant, le pouvoir rwandais prépare une constitution et des élections au suffrage universel pour 2003. À tort ou à raison, la crainte manifestée par certains rescapés Tutsis de voir le pouvoir à nouveau entre les mains de supposés proches des génocidaires est réveillée. Des intimidations de candidats et d'électeurs, afin qu'ils votent pour le pouvoir en place, sont remarquées.
Les consultations électorales de 2003
Le 26 mai 2003, la constitution est adoptée par référendum . Inspirée des principales constitutions occidentales, la constitution rwandaise laisse une large place aux problèmes spécifiques du Rwanda post-génocide, inscrivant notamment dans la constitution le refus de l'ethnisme hérité du colonialisme et ayant conduit au génocide. Des opposants au FPR, des courants liés à l'ancien régime génocidaire, et des observateurs occidentaux y voient une hypocrisie visant à renforcer un pouvoir politique disposant d'une faible base ethnique et voulant de ce fait forcer la marche vers l'apparence d'une nation composée de citoyens débarrassés du concept ethnique.
Le 25 août 2003, Paul Kagame est élu président de la République avec 95 % des voix contre son principal opposant, Faustin Twagiramungu, du MDR dissous. Des membres du comité de soutien à Faustin Twagiramungu ont été arrêtés la veille du scrutin. Certains ont subi des violences avant d'être relâchés. Les observateurs de la communauté européenne ont émis des critiques, regrettant des pressions exercées sur le corps électoral, et ont constaté des fraudes, mais estiment qu'un pas important vers la démocratie a été franchi.
Le 2 octobre 2003, lors des élections législatives, les députés favorables à Paul Kagame obtiennent la majorité des sièges.
Période suivant les élections de 2003
Mise en place des « gacaca
Pour résoudre la difficulté de juger les nombreux prisonniers, qui attendent dans les prisons rwandaises l'idée germe d'adapter les gacaca, structures de justice traditionnelle (de agacaca, « petite herbe » ou « gazon » en kinyarwanda). On forme rapidement des personnes intègres pour présider ces tribunaux populaires. Pour désengorger les prisons, des prisonniers de certaines catégories sont relâchés, sans être amnistiés, avant de passer devant les gacaca. Ces décisions ravivent, dans la société rwandaise et la diaspora, les inquiétudes des rescapés qui craignent pour leur vie et le débat controversé sur la réconciliation, politiquement souhaitée, entre tueurs et rescapés.
Après plusieurs années de réflexions et de mises au point, le 15 janvier 2005, huit mille nouvelles juridictions « gacaca », (tribunaux populaires chargés de juger les auteurs présumés du génocide de 1994), entament la phase administrative de leur travail. Elles se rajoutent aux 750 « gacaca » pilotes mises en place depuis 2001. L'expérience des « gacaca » pilotes laisse penser qu'il y aurait au moins sept cent cinquante mille personnes, soit un quart de la population adulte, dénoncées et jugées par ces assemblées populaires.
Amnesty International estime que « cette volonté de traiter les affaires aussi rapidement que possible a accru la suspicion régnant sur l'équité du système. Certaines décisions rendues par les tribunaux gacaca faisaient douter de leur impartialité. »
Influence des événements rwandais sur le Congo.
Une conséquence du génocide des Tutsis, fut la fuite des Hutus, supposés génocidaires, et des débris de l'armée Rwandaise, soutenue par la France, vers l'Est du Congo, le Kivu. Les chiffres cités parlent de un à deux millions de personnes ! Impossible pour le Kivu d'accueillir tous ces réfugiés qui, dès lors, s'installent anarchiquement, n'importe où, n'importe comment. Estimant que ces populations constituent à terme une menace pour le nouveau régime rwandais, les Tusis envahissent le Kivu de manière réelle mais « non officielle ». On parle alors du « second génocide », non plus cette fois des Tutsis, mais bien des Hutus. S'il est indéniable que ces incursions rwandaises au Congo ont été la cause de la mort de centaines de milliers de personnes, les instances internationales n'ont jamais voulu admettre la qualification de « génocide » pour ces éliminations dramatiques.
Profitant de l'état pitoyable dans lequel Mobutu avait placé le Zaïre, des bandes armées pas toujours officielles mais en fait soutenues et contrôlées, par le Rwanda ont « pillé » pendant des années les richesses minières du Kivu. Un rapport de l'ONU, demandé par le Conseil de Sécurité, estime que l'armée officielle rwandaise est restée essentiellement au Kivu pour « se procurer des biens ».
Vers le milieu de 1996, de nombreux participants au génocide, profitent de l'anonymat offert par les camps pour se réorganiser dans le mouvement de rassemblement pour le Retour et la Démocratie au Rwanda (RDR).
Au même moment, au Kivu, la situation des Banyamulenge, devient plus précaire. Ils furent longtemps l'objet de discriminations, étant des arrivants relativement récents dans le pays, de culture et de langue différents des tribus voisines, L'arrivée massive de Hutus, qui s'en prennent naturellement à eux accroit encore les tensions. Le gouvernement du Rwanda, pour sa part, voit les Banyamulenge comme des alliés naturels, et leur apporte un soutien militaire en prévision d'une escalade éventuelle et désormais probable.
Le 7 octobre 1996, le vice-gouverneur de la ville de Bukavu au Kivu, décrète que les Banyamulenge ne sont plus les bienvenus et qu'ils doivent quitter le pays. En réponse, ceux-ci mènent un soulèvement armé contre le gouvernement local. C'est le début de la longue guerre entre les Forces Armées Zaroises (FAZ) et le Front Patriotique Rwandais (FPR)
Apparemment sorti de nulle part, Laurent-Désiré Kabila, un ancien rebelle marxiste réapparait comme porte-parole de l'AFDL (Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo) et leader de son ancien groupe, le Parti pour la Révolution des Peuples.
Les premières actions de l'AFDL consistent à prendre les villes proches des frontières orientales et de disperser les camps de réfugiés qui offraient un refuge facile aux militants des forces Hutus du RDR. À chaque destruction de camp, les réfugiés passent au suivant, aggravant les problèmes humanitaires et sanitaires. Le camp de Mugungu, au nord du lac Kivu, atteint 500 000 occupants, ce qui le rend ingérable. Les forces Hutus et zaïroises sont rapidement défaites et les provinces du Nord et du Sud-Kivu sont vite acquises. Les réfugiés Hutus s'enfuient, et environ 800 000 d'entre eux reviennent au Rwanda. Plusieurs centaines de milliers d'autres s'éparpillent dans les forêts du Kivu, exposés à la famine, aux maladies, aux fauves, aux bandes armées et y périssent.
Une fois le Kivu acquis, la suite de la guerre est essentiellement une longue marche de l'AFDL et de ses alliés à travers le pays jusque Kinshasa. La population, lassée par le régime de Mobutu, accueille généralement favorablement les conquérants. Les soldats de l'armée zaïroise prennent la fuite, se rendent sans combattre ou rejoignent les insurgés. Le 17 mai 1997, après une dernière médiation avortée entre Mobutu et Kabila en compagnie de Nelson Mandela, l'AFDL atteint le quartier de Masina à Kinshasa et Kabila s'autoproclame président de la République Démocratique du Congo. L'AFDL est rapidement transformée en la nouvelle armée nationale. Laurent Kabila prend officiellement le pouvoir le 20 mai 1997. Finalement, Mobutu quitte le pays pour le Maroc où il meurt le 7 septembre 1997.
Pour terminer, notons une conséquence inattendue du retour au pouvoir des « Tutsi d'Ouganda » :
Le français, ainsi que le kinyarwanda, étaient les langues officielles du Rwanda depuis la présence belge au début du XXème siècle. Néanmoins, depuis le génocide de 1994, les relations tendues entre le nouveau gouvernement et la France ainsi que le retour d'exil de nombreux Tutsis qui ont grandi en Ouganda, ont amené le gouvernement à vouloir remplacer le français par l'anglais.. Celui-ci est devenu langue officielle en 2003 aux côtés du kinyarwanda et du français. En 2010 l'anglais est devenu seule langue d'enseignement public en remplacement du français et ne cesse de progresser au sein de la population et de l'administration. C'est très perceptible dans une ville comme la capitale Kigali, où en moins de vingt ans, pratiquement toute la vie administrative et commerciale s'est complètement anglicisée.
Depuis le 29 novembre 2009, le Rwanda est d'ailleurs membre du Commonwealth britannique ! À Kampala en 2007, les critères d'adhésion au Commonwealth ont été précisé en ajoutant notamment qu'un candidat doit avoir un lien constitutionnel historique avec un État déjà membre du Commonwealth, sauf « circonstance exceptionnelle ». Le Rwanda, ayant été une colonie allemande puis belge ne remplit pas ce critère, mais a toutefois pu adhérer en 2009 dans le cadre d'une « circonstance exceptionnelle ». Le Mozambique et lui sont les seuls Etats à avoir adhéré au Commonwealth sans avoir eu de liens historiques avec le Royaume-Uni.
Georges Renier, juillet 2017.